Parole, face à face et écoute

Juin 2016

Du côté du coaching, mais pas que !

A l’heure de la « communication » omniprésente, envisagée souvent du point de vue de l’émetteur en recherche « d’efficacité », c’est-à-dire convaincre le récepteur, laissons-nous éclairer par Jacques Lusseyrand, romancier et aveugle.

«  Jadis, la parole des hommes pouvait être cruelle ou maladroite, parfois monstrueuse, mais elle était toujours vivante : toujours quelqu’un la parlait, l’adressait à lui-même ou à d’autres hommes en un instant précis, en un point précis de l’espace. Aujourd’hui, il arrive de plus en plus que la parole ne soit pas parlée, mais déracinée, découpée en pièces, reproduite à des millions d’exemplaires, jetée à travers le mondes en vrac, sans public, sans retour. »

« En attendant, parlons de notre mieux, en le sachant, et bien en face : je veux dire en face d’autres hommes. »

« Ce qui m’empêche de lire dans la pensée d’autrui, ce n’est pas le silence d’autrui, ou même ses mensonges. C’est le bruit que je fais, dans ma tête, à son sujet. Avant d’aller à lui, je calcule, je pèse et contre-pèse les mérites et les torts, je tire déjà ma conclusion. Cette conclusion, je la crie dans mes propres oreilles. Je m’enivre d’elle, je m’endors déjà sur elle. Comment pourrais-je m’étonner ensuite de ne pas voir cet homme que j’ai enseveli dans mon vacarme ? Je me suis dressé, dans mon armure d’habitudes, dressé moi-même entre lui et moi. Je vais donc me tromper, être trompé, m’établir enfin dans ma solitude – une solitude hostile. Ah ! L’artificielle misère, et comme il serait plus simple de faire attention ! »

Extraits du livre : Le monde commence aujourd’hui, Silène, 2012, pages 80, 82, 123.

Lusseyrand