Management en expédition polaire

Mai 2024

Robustesse d’équipe

  Roisdethule  
   

Ce livre relate (entre autres multiples richesses !) une expédition polaire d’exploration au Nord du Groenland (1), conduite par l’auteur (2) au printemps 1951.

Nous partageons avec nos lecteurs quelques extraits qui nous semblent inspirants pour la vie d’équipe aujourd’hui, a fortiori en environnement difficile !

Sur la primauté des liens au sein de l’équipe :

« Qui dit expédition dit équipe. La première qualité d’un chef est de savoir recruter ses compagnons. Ce choix qui exige une grande ouverture de vues, de la psychologie et du tact, est certes difficile, et il appelle une extrême attention. L’homogénéité de l’équipe en dépend. Si grande soit-elle, des heurts sont en effet inévitables. Ils resteront sans conséquences si chacun s’avère, comme l’Esquimau, d’une infinie patience, et si le lien qui unit les partenaires de l’équipe est fait d’intérêt pour l’œuvre commune, d’admiration, d’amitié pour le chef d’expédition et ce qu’il entreprend. C’est à lui, aux heures difficiles, par sa compétence, son allant, sa force de sympathie, sa densité intérieure, en fait sa qualité d’homme – générosité, intelligence, modestie et courage –, qu’il appartient de suppléer aux insuffisances de l’un ou de l’autre. La valeur de l’équipe est, en fin de compte, beaucoup moins fonction de celle de ses membres pris individuellement que des liens qui l’unissent à son animateur, les moyens et les buts étant clairement souscrits au départ. »

Sur les sources d’engagement :

« [L’Esquimau] qui accepte de partir [en expédition avec un étranger], si bien payé soit-il, ne se considèrera jamais, en effet, comme un salarié : il se sait maître de sa liberté. […] Ce qui importait [à ceux qui partaient], c’était, avant tout, de vivre avec moi une aventure qui leur paraissait nouvelle et de qualité, de participer à un voyage « scientifique » qui les grandissait aux yeux des leurs et à leurs propres yeux ; de se révéler indispensables à ce Blanc précisément auquel, avec leur compétence technique et dans leur territoire de chasse, ils étaient heureux de rendre service ; d’amasser aussi un lot d’histoires pour les hivers à venir (3), mais à la condition que l’atmosphère journalière leur parût suffisamment « plaisante ». [… Ce qui définit le caractère plaisant…] C’est l’appétit de vivre – intensément, tout de suite – et l’imprévisible, un mélange dosé de joie, d’étrangeté et de violence, le « fun ». »

Sur la prise de décision (4) :

« En expédition, dès qu’il y a un problème, l’Esquimau souhaite que l’ensemble de la question soit revu en commun. Il faut que tout soit redit devant les chasseurs rassemblés, comme si chacun avait le sentiment de penser mieux et plus juste en groupe […]. Seule l’opinion du groupe le satisfait pleinement, est en fait réellement « la sienne ». »

Cet ouvrage est passionnant, à bien davantage d’égards que ces extraits orientés par un regard managérial. Un film éponyme a aussi été tourné par l’auteur en 1969.


(1) 1500 km, en traîneau à chiens, en terres d’Inglefield, de Washington et d’Ellesmere.

(2) Jean Malaurie (1922 – 2024) anthropo-géographe au CNRS (à l’époque de cette mission), a partagé la vie rigoureuse des Esquimaux polaires lors de plusieurs séjours. Figure de proue de l’histoire polaire français, il a été Ambassadeur de bonne volonté pour les régions polaires arctiques à l’Unesco.

(3) A ces latitudes, l’hiver, c’est 4 mois de nuit polaire continue !

(4) Un écho à la pertinence du Codéveloppement pour résoudre des difficultés, en équipe…